Musicothérapie : histoire et origine de cette pratique thérapeutique

Un air joué il y a plus de deux mille ans pourrait bien avoir accompagné les premiers pas de la médecine. La première utilisation documentée de la musique à des fins thérapeutiques remonte à l’Antiquité, bien avant l’émergence des fondements scientifiques modernes. Pourtant, aucun consensus n’existe sur l’origine exacte de cette pratique, dont les applications diffèrent selon les cultures et les époques.

On retrouve des traces de l’usage thérapeutique de la musique dans des écrits médicaux anciens, mais il faudra attendre le XXe siècle pour que cette discipline obtienne une reconnaissance institutionnelle. Ce parcours n’a rien d’une ligne droite : la musicothérapie s’est forgé une identité à travers des tentatives empiriques, des découvertes cliniques et une pluralité de méthodes.

La musique, un outil de soin à travers les civilisations

Au fil des âges, la musique imprègne les pratiques de santé et de bien-être autour du globe. L’Égypte ancienne met déjà en scène des instruments dans ses rituels, persuadée du pouvoir de certaines sonorités sur le corps et l’esprit. Chez les Grecs, Pythagore conçoit des liens entre harmonie musicale et équilibre intérieur, tandis qu’Hippocrate, figure tutélaire de la médecine, n’hésite pas à prescrire des mélodies pour apaiser le tourment psychique.

Au Moyen Âge, la musique fait son entrée dans les hôpitaux. Les chants grégoriens enveloppent les patients d’une atmosphère propice à la détente, à la prière et à la confiance. La communication sans paroles prend ici tout son sens, installant la musique comme langage universel et fondement de la relation de soin, un fil conducteur encore central en musicothérapie.

La palette reste large. En Afrique ou chez les peuples autochtones des Amériques, le rythme, la voix et les instruments ponctuent les processus de guérison collective, aident à surmonter la douleur, accompagnent la naissance ou apaisent l’anxiété. La musique n’a, en réalité, nul besoin de partitions rigides pour s’inscrire dans la notion de soin.

Avant toute formalisation, la musicothérapie illustre une capacité d’adaptation rare. S’inspirant de chaque culture et de chaque époque, elle façonne une approche vivante où la musique épouse les contours de la santé mentale. Que l’on choisisse l’écoute silencieuse ou l’expression partagée, la force expressive de la musique continue de soutenir celles et ceux qui peinent à se dire autrement.

Comment la musicothérapie s’est-elle structurée en pratique thérapeutique ?

Le XXe siècle propulse la discipline sur une trajectoire nouvelle : adieu aux intuitions isolées, la musicothérapie s’enracine désormais dans un socle scientifique. Après la Seconde Guerre mondiale, des musiciens sont invités à jouer dans des hôpitaux auprès de vétérans traumatisés ; l’expérience suscite un enthousiasme inédit et donne naissance à un véritable métier. Aux États-Unis d’abord, puis à Bordeaux, Montpellier ou Paris, l’organisation de cursus universitaires apporte une rigueur méthodologique à la formation.

En France, la création de la société française de musicothérapie (SFM) et de la fédération française de musicothérapie (FFM) marque un pas décisif : la discipline gagne ses lettres de noblesse institutionnelles. L’accent se porte sur la relation patient-thérapeute, l’évaluation initiale structurée des besoins, l’utilisation d’outils et de protocoles adaptés en complément des autres professions du soin.

Dorénavant, la formation requiert des diplômes universitaires, adossés à la recherche hospitalière ou universitaire. Standards, échanges de pratiques, réflexion éthique… la musicothérapie se développe dans les grandes structures de santé, auprès des personnes en situation de handicap ou dans le secteur psychiatrique. La discipline impose une clarté de ses méthodes et s’alimente du dialogue permanent avec les sciences humaines et les neurosciences.

Portraits et influences des pionniers de la musicothérapie moderne

La progression de la musicothérapie repose sur l’énergie de figures déterminantes. Jacques Jost, en France, ancre la discipline dans les années 1970 : psychologue, musicothérapeute, il lie dimension sonore et relation clinique, s’engage dans la structuration du métier, impulse la formation universitaire et façonne la société française de musicothérapie.

En Amérique du Sud, Rolando Omar Benenzon occupe une place centrale. Médecin-psychiatre et fondateur de la faculté de musicothérapie de Buenos Aires, il expose la théorie de l’identité sonore individuelle (ISO). Selon lui, chaque personne porte en elle une empreinte sonore caractéristique : la reconnaître et l’utiliser devient la pierre angulaire de l’accompagnement thérapeutique. Son influence rayonne bien au-delà de l’Argentine, touchant l’ensemble des arts-thérapies.

Des avancées méthodologiques majeures

Sur le plan des méthodes, Édith Lecourt se distingue. Professeure à Paris-Descartes, elle œuvre à la structuration de la formation universitaire et publie de nombreux travaux sur le rôle de la musicothérapie dans les soins psychiques. Sa réflexion autour de la médiation sonore fait référence. Gérard Ducourneau, de son côté, enrichit la discipline par ses contributions cliniques, tandis que la méthode Tomatis mêle la rééducation auditive et la thérapie psychocorporelle, ouvrant de nouvelles perspectives.

Leur engagement façonne la discipline autour d’un principe fort : un patient acteur de son parcours, soutenu par un thérapeute formé à l’écoute et à la créativité musicale.

Jeune homme jouant du xylophone avec un enfant en fauteuil

Les bienfaits et méthodes actuelles de la musicothérapie

La musicothérapie actuelle ne se limite plus à l’écoute passive : elle explore deux grands axes complémentaires, la musicothérapie active (pratique instrumentale, chant, improvisation) et la musicothérapie réceptive (écoute guidée, choix de morceaux adaptés à la personne).

Cette palette permet des prises en charge personnalisées, que la démarche s’adresse à des troubles neurologiques, des difficultés psychiques ou des maladies chroniques. Les interventions se diversifient, cherchant à répondre vraiment à chaque situation.

Les effets constatés aujourd’hui sont nombreux, notamment :

  • Un regain de mémoire autobiographique chez les personnes atteintes de maladie d’Alzheimer grâce à des séquences musicales finement sélectionnées, la communication peut également s’améliorer.
  • Une réduction nette de la douleur, de l’anxiété ou de la dépression via le pouvoir du rythme, de la mélodie, ou du timbre, modulant l’humeur et l’expérience sensorielle.
  • Des études cliniques recensent des progressions tangibles de la qualité de vie et un meilleur contrôle de certains symptômes jugés réfractaires aux traitements traditionnels.

Quelques approches se distinguent particulièrement aujourd’hui, comme la méthode Tomatis ou le programme Soundsory pour accompagner concentration, apprentissages ou troubles du spectre autistique. Ces dispositifs misent sur la plasticité cérébrale par des stimulations sonores pensées en lien avec le vécu de la personne. La musicothérapie trouve ainsi sa place, du soin hospitalier au suivi ambulatoire, en relais ou en complément de l’arsenal thérapeutique traditionnel.

Le soin ne se résume jamais à des réponses techniques. Quand la médecine cherche à retisser le lien humain, la musicothérapie s’impose sans bruit, redonnant voix et nuances à celles et ceux qui peinent à dire. Là où les mots trébuchent, la musique trace une autre voie, une brèche vivace vers la rencontre, le soulagement, la restitution d’un peu de lumière.